Mercredi 2 mai, la Commission européenne a fait sa proposition de budget européen pour la future programmation 2021-2027. Suite au Brexit (qui représente une perte nette de 12 à 14 milliards d’euros) et aux nouvelles priorités politiques européennes qui exigent d’être financées, la construction du futur budget est un sujet sensible.
La Commission européenne propose un budget de 1 135 milliards d’euros d’engagements pour la période 2021-2027 soit 1,11% du revenu national brut européen. Elle assure qu’en prenant en compte de l’inflation, ce budget est comparable à celui de la précédente programmation.
De nouvelles politiques européennes vont émarger à ce budget, ce qui implique une nouvelle répartition entre les politiques : la PAC est dans le viseur. Dans la proposition, le budget de la PAC serait réduit de 5%.
Le mot d’ordre du Commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, est de protéger les paiements directs qui assurent un soutien au revenu des agriculteurs. Même si tout est mis en place pour limiter la baisse des enveloppes des Etats-membres pour les paiements directs, le Commissaire Hogan estime qu’en moyenne celles-ci diminueront de 3,9% par rapport à la précédente programmation (à l’exception de 5 Etats-membres dont l’Estonie, la Lituanie ou la Lettonie qui en raison de la convergence des aides verront leur montant des aides directes à l’hectare augmenter).
Le Commissaire Hogan souligne même que la part des paiements directs dans le budget de la PAC serait augmentée : en 2014-2020, les paiements directs représentaient 70% du budget de la PAC. Dans cette proposition, les paiements directs représenteraient 72,5% du budget de la PAC post 2020.
Le Commissaire Hogan s’appuie largement sur sa proposition de plafonnement à 60 000€ des aides directes pour rassurer les Etats-membres et les producteurs : il estime que les montants récupérés par le plafonnement pourront être redistribués en faveur des petites et moyennes exploitations agricoles ce qui devrait rendre la baisse du budget quasi-indolore pour les plus fragiles.
Le maintien, voire l’augmentation de la part des aides directes dans le budget de la PAC se fera forcément aux dépends du budget pour le développement rural. Le Commissaire Hogan propose une diminution du cofinancement de ces aides de 10 points : par exemple, une aide cofinancée par l’UE à 80% sur l’ancienne programmation, le serait à 70% sur la prochaine programmation. Ce serait donc aux Etats-membres, s’ils souhaitent conserver leur budget pour le développement rural de compléter l’écart de cofinancement. Le Commissaire Hogan se montre optimiste en soulignant que les sommes complémentaires que les Etats-membres auront à verser pour maintenir le budget du développement rural ne sont pas énormes : par exemple 43 millions pour l’Irlande, 80 millions pour l’Espagne sur la période de programmation.
Les premières réactions aux propositions de la Commission européenne ne se font pas attendre.
Comme on pouvait s’y attendre, la France marque de manière appuyée son mécontentement. Dans le communiqué du Ministère de l’agriculture on peut lire : « une telle baisse, drastique, massive et aveugle, est simplement inenvisageable. Elle comporte un risque sans précédent sur la viabilité des exploitations en impactant dangereusement les revenus des agriculteurs pour qui les aides directes constituent un filet de sécurité essentiel. La France ne pourra accepter aucune baisse de revenu direct pour les agriculteurs ».
Pour l’association environnementale Birdlife les propositions de la Commission européenne menacent l’environnement en sacrifiant le développement rural. Du côté des syndicats agricoles, le Copa-cogeca a fait connaître sa déception en découvrant l’ampleur des coupes budgétaires que la PAC pourrait subir. La FNSEA a invoqué le risque de perte de revenu pour les plus petites exploitations, omettant de mentionner les propositions de plafonnement et de paiement redistributif, propositions avec lesquelles elle n’est probablement pas d’accord non plus.
Les coupes budgétaires proposées sont importantes mais on peut entendre les arguments en faveur d’une redistribution de l’argent européen sur les enjeux du numérique, de la sécurité ou des migrations. Les Etats membres et les syndicats agricoles le savent aussi. Mais en réagissant haut et fort contre cette baisse annoncée, ils cherchent peut-être aussi à enrayer un processus de réduction des budgets agricoles qui s’il démarre risque d’ouvrir la porte à des baisses bien plus marquées dans le programmations à venir.
Le contenu de la future PAC sera bientôt soumis à la négociation avec le Parlement européen et le Conseil des ministres de l’agriculture européens, mais pour le moment, c’est le budget européen et donc le budget de la PAC qui sont sous le feu des projecteurs. Les négociations ne font que commencer…elles doivent se conclure d’ici mai 2019.