Les Etats-membres et les régions sont très largement impliqués dans le second pilier de la PAC qui correspond à la politique de développement rural. Régulièrement, cette politique doit être évaluée afin de voir si elle a été efficace, efficiente voire même pour mesurer ses impacts sur les territoires ruraux.
L’évaluation d’une politique publique peut se dérouler à plusieurs stades :
- avant la mise en œuvre de la politique envisagée afin d’identifier les besoins auxquels elle devra répondre et sa faisabilité (ex-ante) ;
- à mi-parcours afin d’évaluer les premiers résultats et de la réorienter si besoin (in-itinere),
- et en fin pour évaluer les résultats et l’impact qu’a eu la politique, et en tirer des enseignements pour la politique suivante (ex-post).
La politique de développement rural française a déjà été évaluée en 2010 à mi-parcours. Ici, nous présentons quelques résultats centraux de l’évaluation ex-post. Cette évaluation a été menée principalement par deux bureaux d’études (EPICES et ADE), elle a été menée de janvier 2016 à mars 2017. Un large éventail de méthodes a été utilisé à partir de données issues d’études de cas, d’enquêtes, de sondages,.. Vous pouvez accéder ici au résumé réalisé par le CEP sur les approches méthodologiques suivies.
On rappelle rapidement qu’en 2007-2013, la politique de développement rural reposait sur :
- un socle national de mesures (installation des jeunes agriculteurs, indemnité compensatoire de handicaps naturels, desserte forestière, plan chablis, amélioration des peuplements forestiers, prime herbagère agro-environnementale et mesure agro-environnementale rotationnelle),
- et une déclinaison régionale des mesures restantes dans les documents régionaux de développement rural (21 DRDR).
Les mesures étaient organisées en axes :
– Axe 1 : Amélioration de la compétitivité de l’agriculture et de la sylviculture (28% des dépenses) ;
– Axe 2 : Amélioration de l’environnement et de l’espace rural (57% des dépenses) ;
– Axe 3 : Amélioration de la qualité de vie en milieu rural et promotion de la diversification des activités économiques (9% des dépenses) ;
– Axe 4 : Leader (liaison entre les actions de développement de l’économie rurale) (5%)
– et l’assistance technique (1%)
En France, sur 2007-2013, le budget du Fonds européen agricole et de développement rural (FEADER) était de 6,8 milliards avec une contre-partie nationale de 5,1 milliards, auxquels s’ajoutent 3 milliards de fonds nationaux additionnels sans contre partie européenne. L’évaluation recense 200 000 bénéficiaires en agriculture, 10 000 dans le secteur forestier, 1 600 industries agroalimentaires et 11 000 dans le champ du développement rural (artisans, collectivités, acteurs du tourisme rural).
On revient rapidement sur les résultats de l’évaluation des quatre axes et de leurs mesures phares.
Axe 1
On présente ici quelques résultats de mesures phares de l’axe 1 : la modernisation des exploitations agricoles et l’installation des jeunes agriculteurs.
63% du nombre de bénéficiaires prévus ont touché un soutien pour la modernisation de leur exploitation. Parmi les dispositifs de modernisation, c’est le plan de modernisation des bâtiments d’élevage (PMBE) qui a été le plus sollicité. Il représente 67% des dépenses de l’axe 1. La plupart des dossiers ont été à destination des exploitations laitières (43%) et des dossiers bovins viande (33%). L’évaluation montre que la PMBE a eu un effet très marqué sur l’amélioration des conditions de travail et a accompagné l’agrandissement des exploitations.
Pour l’aide à l’installation, c’est 80% des bénéficiaires prévus qui ont pu toucher l’aide. Un dossier sur deux se trouve en zone défavorisée. La politique de soutien à l’installation a d’après l’évaluation, contribué à l’amélioration du niveau de formation des jeunes. Elle s’accompagne également de changements structurels tels que l’agrandissement de la SAU, l’augmentation des volumes de production ou encore de nouveaux modes d’organisation au sein de l’exploitation. Ces résultats soulèvent dans l’évaluation, des questionnements sur de possibles difficultés de transmission de ces exploitations où le capital aura augmenté. De plus, les évaluateurs indiquent que l’aide à l’installation repose principalement sur un modèle professionnel correspondant au statut de « chefs d’exploitation », ils se demandent alors si cette vision n’est pas trop restrictive au regard des mutations profondes des structures et l’émergence d’autres modèles.
Pour conclure, les mesures de l’axe 1 ont été principalement évaluées par rapport à leur effet sur la compétitivité des bénéficiaires. Les résultats de l’évaluation montrent que l’innovation est peu mobilisée dans les mesures de l’axe 1, alors qu’elle constitue un point essentiel pour la compétitivité du secteur agricole.
Axe 2
Dans l’axe 2, on revient principalement sur l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) et sur la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE).
83 000 agriculteurs français bénéficient de l’ICHN (pour en savoir plus sur cette mesure, vous pouvez vous inscrire et suivre le cours ICHN). Les bénéficiaires se situent principalement dans le Massif Central (63%), puis dans les Alpes (16%) et les Pyrénées (12%). Les évaluateurs estiment qu’en permettant de diminuer – de un quart à 85% – l’écart de revenu entre élevages bénéficiaires et l’ensemble des élevages, l’ICHN participe largement au maintien des espaces herbagers en zone de montagne. Elle joue également sur le maintien de l’emploi agricole en zone défavorisée (direct sur l’exploitation et indirect au sein des filières agricoles et de l’emploi induit dans les services à la population et le tourisme).
Sur la période de programmation 2007-2013, la PHAE faisait partie des mesures agroenvironnementales (MAE). Rappelons que depuis 2014, elle a été supprimée.
Elle représentait 60% des bénéficiaires des MAE et 67% des montants FEADER. Cette mesure de masse participait au maintien des systèmes d’élevage et des surfaces en herbe en zone de montagne. Cependant en zone de plaine où une reconversion en céréales est possible, le maintien semblait plus délicat et la PHAE est apparue insuffisante face au phénomène d’intensification dans ces zones.
L’évaluation de l’axe 2 conclut que sur l’ensemble des enjeux environnementaux, les résultats de la programmation 2007-2013 sont meilleurs par rapport à la programmation 2000-2006, néanmoins le programme a produit peu d’effets sur la biodiversité ordinaire et domestique et sur la qualité de l’eau.
Axe 3
Globalement, les mesures de l’axe 3 semblent avoir répondu dans l’ensemble aux objectifs d’attractivité économique, d’emplois et de qualité de vie. Par exemple, le soutien à la création de services de base a soutenu 4 335 porteurs de projets (services et équipements pour la jeunesse, services et équipements culturels et sportifs), et a eu un effet sur la qualité de vie dans les territoires ruraux.
Ou encore, les soutiens à la diversification dans les exploitations agricoles ont eu un effet non négligeable sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles. Elle participe ainsi au maintien et à la création d’emplois agricoles.
Axe 4
Sur la période 2007-2013, on observe une augmentation marquée du nombre de groupes d’action locale porteurs des projets LEADER (+ 60%). Cependant, l’efficacité de Leader à générer de la valeur ajoutée sur l’emploi et la diversification de l’économie locale apparaît comme mitigée. Les évaluateurs constatent tout de même que grâce aux moyens d’ingénierie qu’il apporte, LEADER favorise la maturation et la qualité des projets auprès des associations et des petites entreprises tout particulièrement.
Les délais de mise en œuvre des politiques et de leur évaluation font que les résultats de l’évaluation ex-post de la politique de développement rural arrivent alors que la programmation 2014-2020 est déjà bien entamée.
Vous pouvez par exemple retrouver le résumé du CEP (Centre d’études et de Prospective) de l’étude du bureau d’étude sur la prise en compte de l’agroécologie dans les programmes de développement rural gérés dans cette programmation par les régions.
A l’issue de l’évaluation ex-post de la politique de développement rural française, les évaluateurs proposent un ensemble de recommandations, dont une partie concerne la PAC post2020 :
– Renforcer la capacité à soutenir l’innovation et à conduire le changement (via Leader, via le partenariat européen pour l’innovation, ou encore des taux de subvention définis d’après le caractère innovant des projets par exemple)
– Renforcer les approches intégrées au niveau des filières et des territoires (la structure en axes et mesures a freiné la mise en œuvre de la transversalité des objectifs et le soutien de projets intégrés)
– Améliorer la cohérence externe des programmes
– Renforcer la territorialisation des programmes
Ces recommandations alimentent les réflexions sur la prochaine programmation. Celles-ci ont débuté : le projet de la Commission européenne est de rassembler le premier et le second pilier dans un seul et même plan stratégique géré par les Etats-membres. Cela favorisera la cohérence entre les soutiens et assurera une adaptation de la politique au contexte local. Cependant, la question reste ouverte sur la responsabilité des régions françaises en tant qu’autorités de gestion de la politique de développement rural après 2020.
Pour en savoir plus :
Le rapport complet de l’évaluation expost du PDRH 2007-2013