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Le règlement omnibus, une mini réforme de la PAC avant l’heure ?

Le 12 octobre 2017, le trilogue entre le Parlement européen, le Conseil des ministres de l’agriculture et la Commission européenne est arrivé à un accord sur le volet agricole du règlement omnibus. Il vise principalement à simplifier la PAC, sujet qui occupe une part importante de la feuille de route du Commissaire Hogan.

 

Simplification : verdissement et aides directes

 

Depuis la réforme de la PAC de 2014, les aides directes sont soumises au verdissement. Il s’agit de trois mesures dites bénéfiques pour l’environnement que les exploitants agricoles doivent respecter pour toucher les aides directes du 1er pilier. Les premières études menées sur le verdissement estiment que ses bénéfices restent cependant très limités. Elles mettent en avant la complexité de son application (rapport de l’IEEP – Institute for European Environmental Policy- sur les choix des Etats-membres en matières de verdissement, évaluation de la Commission après un an de mise en oeuvre du verdissement).  Les agriculteurs se sont également beaucoup mobilisés contre les mesures du verdissement, qui rajoutent des contraintes et des contrôles supplémentaires.

Parmi les trois mesures du verdissement, le règlement omnibus permet désormais aux exploitations agricoles de plus de 30ha de terres arables d’être exemptées de l’obligation du maintien ou de la réhabilitation des Surfaces d’Intérêt Ecologique, si elles consacrent plus de 75% de leur surface de terres arables à la culture d’herbe, de plantes fourragères ou de prairies permanentes (5% des terres arables doivent être consacrés aux SIE favorables à la biodiversité comme par exemple des haies des mares, des bandes tampons, des jachères ou certaines cultures agréées). Jusqu’à présent  seules les exploitations de moins de 15ha étaient exemptées de cette obligation.

 

Un second point de la simplification concerne la flexibilité laissée aux Etats-membres pour définir ce qu’est un agriculteur actif, c’est à dire un agriculteur pouvant bénéficier des aides de la PAC. En France, la définition de l’agriculteur actif pourrait reposer sur le registre des actifs agricoles en cours de discussion.

Renforcer les capacités d’organisation de la filière agricole

 

Alors que pour la Confédération paysanne le règlement omnibus n’apporte pas de grandes avancées en matière de droit à la concurrence, le think-tank Farm Europe estime qu’il va opérer des améliorations substantielles.

Le principal objectif est de renforcer la place des agriculteurs au sein des chaines d’approvisionnement alimentaire. Pour cela, le règlement omnibus prévoit que pour l’ensemble des filières, les exploitants soient en droit d’avoir des contrats écrits précisant à l’avance les prix et les volumes avec leurs acheteurs et leurs fournisseurs. Ils pourront aussi négocier collectivement les conditions de vente et gérer leur volume de production. Certaines prérogatives des Organisations de Producteurs (OP), telles que la mise sur le marché et la négociation des contrats de fourniture de produits agricoles pour le compte des membres, seront étendues à tous les secteurs (et pas seulement pour le lait, l’huile d’olive, la viande bovine ou les grandes cultures). Cet accord a été obtenu malgré l’opposition de la DG concurrence de la Commission européenne qui interprète comme un risque de cartel tout effort pour permettre aux agriculteurs de négocier les prix en groupe plutôt qu’individuellement.

Enfin, un partage de la valeur ajoutée des filières sera désormais possible au sein des interprofessions, à la hausse comme à la baisse. Un tel mécanisme existe déjà dans le secteur du sucre, il sera désormais étendu à tous les secteurs.

Outils de gestion des risques

 

La réforme de la PAC de 2014 avait ajouté dans le second pilier de la PAC des outils de gestion des risques. Cependant, ils sont faiblement utilisés comme cela a été souligné lors de la conférence de Cork par le Commissaire Hogan. Le règlement vise donc à les rendre plus attractifs. Pour cela il prévoit le maintien de l’outil général de stabilisation des revenus, il continue d’être déclenché en cas de perte de revenus de l’agriculteur. Il n’a pas été activé en France, mais on le retrouve actuellement en Italie, Hongrie et Espagne. L’aide n’est octroyée que lorsque la baisse des revenus dépasse 30 % du revenu annuel moyen de l’agriculteur concerné au cours des trois années précédentes ou d’une moyenne triennale basée sur les cinq années précédentes. Les paiements ne peuvent compenser plus de 70% de la perte de revenu subie.

Le nouvel outil sectoriel de stabilisation des revenus instauré par l’omnibus sera quand à lui, ciblé : il pourra concerner un secteur d’activité spécifique de l’exploitation (par exemple l’atelier lait) pour aider les exploitants à mieux faire face aux crises sectorielles.

La principale difficulté d’application réside dans le contrôle des diverses composantes des revenu de chaque exploitation et dans les difficultés pour mesurer les recettes et revenus attendus, activité par activité.

 

La deuxième nouveauté est dans l’assouplissement des seuils de déclenchement des assurances climatiques.  L’indemnisation pourra être déclenchée dès 20% de pertes et non plus de 30% et l’indemnisation portera sur 70% des pertes et non 65%. La Confédération paysanne s’inquiète des dépenses budgétaires liées à cet outil, qui bénéficieront avant tout aux agriculteurs qui ont les moyens de s’assurer, et qui se feront aux dépends des autres mesures du second pilier. Pour Farm Europe, au contraire, cela permettra de mettre en place une gestion des aléas climatiques plus crédible. Reste à voir l’application qu’en feront les Etats-membres.

 

Dans le contexte d’une future réforme de la PAC attendue pour 2021 mais dont le calendrier reste incertain (Brexit, calendrier électoral des institutions européennes), le règlement omnibus pourrait jouer un rôle important. En fonction du déroulement des étapes futures (prochaines réunions sur l’ensemble du règlement omnibus et pas uniquement le volet agricole, validation de l’ensemble du règlement), il pourrait entrer en vigueur dès 2018.

Prochaines étapes pour la PAC : la communication de la Commission européenne sur la future PAC fin novembre et le cadre financier pluriannuel post 2020 pour mai prochain. 

 

 

 Post rédigé avec l’aide de Chloé Steinmetz, étudiante à Montpellier Supagro.

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