Le 15 mars 2018, la Cour des Comptes européenne a publié un rapport sur le régime de paiement de base (RPB) mis en oeuvre dans la PAC depuis 2015. La question posée dans ce rapport est celle de savoir si le RPB est un système de soutien qui fonctionne correctement. Pour y répondre, la Cour des comptes a réalisé cette étude entre septembre 2016 et avril 2017.
Le RPB fait suite au RPU (régime de paiement unique) appliqué en France sous la forme des droits à paiement unique basé sur les références historiques. Depuis 2015, la nouvelle structure des paiements directs se compose : du paiement de base, du paiement vert, du paiement pour les jeunes agriculteurs, du paiement redistributif. Le paiement de base est découplé de la production agricole et est subordonné au maintien des surfaces agricoles dans de bonnes conditions agricoles et environnementales. Depuis le RPU, les surfaces éligibles aux aides directes ont été étendues : en France, par exemple seuls les hectares de vignes ne bénéficient pas d’aides directes et cela sur demande de la profession.
En 2015, les aides directes en France sont composées à près de 50% des paiements de base. Au niveau européen, l’enveloppe annuelle du RPB est de 18 milliards d’euros, c’est le régime d’aide au revenu des agriculteurs le plus important de l’UE.
La réforme de 2015 de la PAC prévoyait de cibler davantage les aides directes sur les agriculteurs actifs. Depuis plusieurs années, on reprochait en effet à la PAC de distribuer des aides à des aéroports, des services ferroviaires, des sociétés de distribution d’eau,… Une liste négative a ainsi été mise en place au niveau européen (pouvant être complétée par les Etats-membres) pour exclure les bénéficiaires dont l’activité n’est pas l’agriculture. D’après le rapport, le recours à cette liste n’a été que partiellement utile et la charge administrative supplémentaire importante. En 2018, les Etats-membres pourront décider s’ils souhaitent limiter les critères que les demandeurs doivent remplir pour démontrer leur statut d’agriculteur actif ou s’ils préfèrent mettre fin à l’application de la liste négative.
La réforme visait également la convergence des aides directes entre les Etats-membres et au sein des Etats-membres. Ce rapport se concentre sur la convergence interne, c’est-à-dire au sein des Etats-membres. L’objectif de la convergence est de faire évoluer les paiements vers des montants uniformes à l’hectare d’ici 2019. Les Etats-membres ont choisi d’appliquer la convergence des aides plus ou moins rapidement.
En France par exemple, la convergence est progressive et les DPB dépendent donc encore en partie des références historiques. Pour la Cour des comptes, la PAC de 2015 a permis d’évoluer vers une répartition plus uniforme du soutien par hectare, cependant elle soulève que l’efficience du soutien au revenu des agriculteurs au titre du RPB reste difficile à établir.
En effet, l’aide est distribuée à l’hectare (elle conduit à une augmentation des prix de marché des terres agricoles et des baux fonciers), et ne tient pas compte des conditions du marché, de l’utilisation des terres agricoles ou des particularités des exploitations et n’est pas fondée sur une analyse du niveau de revenu global des agriculteurs.
Au niveau européen, les règles relatives au RPB et aux surfaces admissibles sont complexes et prévoient de nombreuses possibilités de dérogations. D’après le rapport, « les règles de calcul et options choisies par les États membres ont parfois compliqué les choses, accru la charge pesant sur les administrations nationales et permis à certains agriculteurs de réaliser des gains exceptionnels ».
La cour des comptes souligne qu’en France :
– l’utilisation de données provisoires ou des estimations en raison de difficultés pour calculer dans les temps les valeurs définitives des DPB (droits à paiement de base) ont eu des conséquences sur les valeurs de DPB et sur la convergence. De plus, les agriculteurs ne connaissaient pas la valeur définitive de leurs DPB avant de déposer leur demande pour l’année suivante.
– l’organisme payeur (Agence de service et de paiement) n’avait toujours pas fini de calculer la valeur définitive des DPB pour 2015 ni affecté ces derniers aux agriculteurs. Ce retard s’explique par l’introduction tardive d’un nouveau système d’identification des parcelles agricoles, par des difficultés dans l’identification des zones non agricoles et par d’importants retards pris dans la réalisation des contrôles sur place en 2015, que les autorités françaises n’ont terminés qu’en décembre 2016.
Le rapport conclut néanmoins que globalement, les DPB ne présentent pas un niveau significatif d’erreur (vérification admissibilité, fixer le montant de référence, déterminer la surface admissible, information aux agriculteurs, versements), mais que des délais ont du être donnés à certains Etats-membres qui n’étaient pas en mesure d’effectuer les paiements finaux dans le temps légal. En conclusion, la Cour des comptes estime que le système fonctionne mais qu’il a un impact limité sur la simplification, le ciblage et la convergence des aides.
Les recommandations de la Cour des comptes européenne pour la PAC post 2020 :
– (1) La Commission devrait veiller à ce que les États membres mettent en œuvre des contrôles clés de manière appropriée et qu’ils rectifient les DPB lorsque la non-application des règles pertinentes et l’absence d’informations actualisées sur l’utilisation des terres ont des répercussions notables sur la valeur de ces derniers.
– (2) La Commission devrait revoir ses systèmes de diffusion des informations auprès des États membres et faire le point sur leur efficacité, pour parvenir à une interprétation et une application plus uniformes du cadre juridique du RPB ; examiner comment la future législation pourrait imposer aux États membres de transmettre les informations clés sur la mise en œuvre des régimes de soutien direct ; clarifier les rôles respectifs de la Commission et des organismes de certification concernant la vérification de l’existence de contrôles clés efficaces et le calcul centralisé de ces droits.
-(3) la Commission devrait évaluer la situation relative aux revenus de tous les groupes d’agriculteurs et analyser leurs besoins en matière de soutien au revenu, en prenant en considération la répartition actuelle du soutien national et de l’UE, le potentiel agricole des terres, les différences entre les terres principalement concernées par la production agricole ou par le maintien dans de bonnes conditions, le coût et la viabilité de l’activité agricole, les revenus provenant de la production alimentaire et autre production agricole ainsi que d’autres sources non agricoles, les facteurs relatifs à l’efficience et la compétitivité des exploitations, ainsi que la valeur des biens publics fournis par les agriculteurs.