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La dénonciation américaine de la distribution des aides : démêler le vrai du faux

Le New York Times a publié le 3 novembre 2019 un article sur la façon dont les aides PAC sont accaparées par certains politiciens d’Europe de l’Est, au détriment des exploitations familiales. Sont particulièrement visés les premiers ministres hongrois et tchèque, ainsi que des proches de leur famille politique, qui touchent plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année au titre des milliers d’hectares qu’ils possèdent. La Slovaquie et la Bulgarie sont aussi concernées. Cela a été largement repris dans les médias européens. En réponse, la Commission européenne a réaffirmé le 4 novembre qu’elle lutte avec vigueur contre les fraudes aux fonds européens mais qu’elle n’a pas de pouvoir direct sur la façon dont les Etats-membres gèrent le marché foncier.

De fait, le New York Times ne révèle rien de très nouveau : la situation en Hongrie et l’attribution des terres d’Etat par enchères à des proches du pouvoir dans des conditions douteuses ont été dénoncées dès 2012. José Bové, alors député européen EELV, avait déjà écrit dans un blog daté du 17 octobre 2012 (en Hongrie), l’organisme chargé de la gestion du foncier, au fonctionnement proche de celui de la Safer en France, sert avant tout les intérêts des proches du Premier Ministre ». Il en profitait pour défendre le plafonnement des aides à 100 000 euros par exploitation. Le plafonnement des aides sera finalement optionnel dans la réforme de 2014. La République tchèque a choisi de ne pas en imposer. Ironiquement, la Hongrie a mis en place un plafonnement de 176 000€ par exploitation, mais comme le démontre l’article du New York Times, la règle peut être contournée en redivisant l’exploitation en unités plus petites mais sous le contrôle du même propriétaire.

Le New York Times en profite pour dénoncer pêle-mêle et sans objectivité la corruption autour des aides de la PAC, la « mafia agricole » dans certains pays, et l’absence de transparence sur la distribution des aides, aussi bien dans les Etats-membres qu’à Bruxelles.

 

Ce qui est vrai

Oui, la distribution des aides du premier pilier est inégalitaire puisqu’elle profite à ceux qui exploitent les plus grandes surfaces, qui ne sont pas forcément ceux qui ont besoin de soutien au revenu ou ceux qui préservent l’environnement et les ressources naturelles. Même si ces inégalités s’atténuent un peu avec la convergence des aides de la réforme de 2014 (qui tend à uniformiser les aides à l’hectare au sein des pays membres et entre les pays-membres), elles restent encore fortes dans certains pays, ce qui contribue à discréditer la PAC.

Nous avons calculé l’indice de Gini (indice d’inégalité de distribution des aides entre bénéficiaires pour 2017 : un indice de 1 signifie qu’une seule exploitation accapare l’ensemble des aides). En 2017, la Hongrie avait un indice de Gini de 0,78, et la République tchèque de 0,84. A titre de comparaison, en France il est de 0,51.

 

Oui, ces inégalités sont dues avant tout à l’existence de ces gigantesques exploitations agricoles, héritages de la collectivisation en Europe soviétique, et dont certaines sont effectivement détenues par des oligarques (par ailleurs ouvertement anti-européens) qui financent ainsi leurs activités politiques.

Et oui encore aujourd’hui, les institutions bruxelloises n’ont pas réussi à faire évoluer les règles d’attribution des aides pour éviter ces situations. Une nouvelle proposition de plafonnement des aides versées par exploitation à 100 000 euros a été faite dans le cadre de la prochaine réforme de la PAC, mais là aussi, il est sûr que ni le Parlement, ni le Conseil ne la voteront en l’état.

 

Mais non

On ne peut pas parler de fraude généralisée. De fait la Commission européenne impose des règles drastiques sur le contrôle de l’attribution des aides, qui pèsent lourdement sur la charge administrative des exploitants agricoles et sur les instances administratives et de contrôle des pays membres. C’est d’ailleurs un travers de la PAC qui est régulièrement dénoncé par les syndicats agricoles et que le Commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, a cherché à réduire avec son projet de simplification de la PAC. La DG Agri a d’ailleurs commandité un rapport publié en 2018 sur la charge administrative de la PAC, qui, et c’est dommage, n’a pas eu beaucoup d’écho. Elle est estimée à 3% du budget de la PAC pour les Etats-membres (ce qui représente quand même 1,7 milliards d’€ par an) et à 2 à 3% du montant des aides perçues pour les agriculteurs (en comptant surtout leur temps de travail).

 

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