Les choix de la France pour la mise en œuvre de la PAC
Quelles sont les grandes priorités de la PAC en France ?
Les trois principales priorités de la France, inscrites dans la loi d’Avenir de 2014 portée par le Ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll sont l’installation de nouveaux agriculteurs, l’élevage et la triple performance, à la fois économique, environnementale et sociale et des territoires ruraux, notamment via la transition de l’agriculture vers l’agro-écologie.
Quel est le budget français de la PAC ?
Le budget français de la PAC est de 9,1 milliards d’euros (courants) de crédits européens par an sur la période 2014/2020, dont 1,4 milliard pour le deuxième pilier.
La France reste l’un des principaux bénéficiaires du budget européen dédié à la PAC (environ 50 milliards d’euros). Le budget de la France subit une baisse globale de tout juste 2 % (9,1 milliards en 2014 contre 9,3 en 2013), ce qui est met la France dans une situation nettement plus favorable par rapport à l’évolution moyenne pour les anciens Etats membres, notamment l’Allemagne.
Qui est en charge de l’application de la PAC en France ?
Le Ministère de l’agriculture s’assure de l’application de la PAC en France, appuyé par les services déconcentrés. Au niveau régional, il s’agit des DRAAF (Directions Régionales de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt) et au niveau départemental des DDT(M) (Directions Départementales des Territoires et de la Mer). Ces organismes sont en charge de l’instruction des demandes d’aide, ainsi que du contrôle.
Concernant la politique de développement rural, sa mise en œuvre est en partie sous la responsabilité du Ministère de l’agriculture et en partie des Régions. Les régions peuvent néanmoins décider de déléguer une partie de la gestion (notamment l’instruction des dossiers) à d’autres organismes (DDT, DRAAF).
Le principal organisme payeur de la PAC en France est l’ASP (Agence de services et de paiement). L’ASP est l’organisme payeur du Fonds Européen Agricole de Garantie (FEAGA) et du Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER), et verse donc aux agriculteurs les aides couplées et découplées du premier pilier, ainsi que les aides du développement rural. France Agrimer est l’organisme payeur des aides visant au soutien des marchés et des aides liées aux Organisations Communes de Marché.
* Pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter le cours CAPeye intitulé « Le long parcours des dossiers PAC: de la demande d’aide à son paiement » (cours gratuit sur inscription) *
L’application de la PAC 2023-2027 en France
Chaque Etat-membre est en charge de la rédaction de son PSN (Plan stratégique national), ce dernier doit prendre en compte le diagnostic des besoins identifiés par l’Etat-membre (voir celui de la France ici) ainsi que les priorités d’action, le descriptifs des mesures et les budgets alloués.
Un débat public a été organisé en France, en parallèle afin d’informer et de faire participer les citoyens à l’élaboration du PSN. Il a été mené sous la responsabilité de la Commission nationale du débat public (CNDP)
Le débat public a donné lieu de nombreux évènements et de nombreuses participations en ligne sur la plateforme dédiée. vous pouvez lire ici le compte-rendu final du débat Impactons!
Le PSN français a été soumis à la Commission européenne fin décembre 2021 ouvrant les négociations avec la Commission européenne sur le contenu proposé. La validation de la 2nd version du PSN français a été obtenue an août 2022. L’entrée en vigueur a eu lieu en janvier 2023.
Le contenu du PSN français
En matière d’éligibilité aux aides, une des nouveautés est que pour toucher des aides au revenu de la PAC, l’Indemnité compensatoire de handicaps naturels et les mesures agroenvironnementales, les agriculteurs français doivent être reconnus comme agriculteurs actifs. Cela signifie qu’ils doivent être assurés pour les accidents du travail par la protection sociale agricole et ne pas cumuler les aides avec une retraite agricole pour les plus de 67 ans. Ce ciblage vise à encourager le renouvellement des générations et dans l’idéal devait être accompagné d’une revalorisation de la retraite agricole.
Les agriculteurs continuent à déclarer sur TéléPAC leurs surfaces, couverts végétaux et nombre d’animaux. En France, le nouveau droit à l’erreur repose sur un système de suivi des surfaces agricoles en temps réel par images satellites (réalisées tous les 3 à 6 jours) pour déterminer les couverts. Quand une incohérence sera relevée entre la déclaration de l’agriculteur et ce qui est déduit des images, l’administration pourra demander à l’agriculteur de réaliser des photos géolocalisées. S’il s’avère qu’il y a bien eu une erreur dans la déclaration, l’agriculteur pourra la corriger sans pénalité. Ce système de suivi devrait donner plus de souplesse, assurer un contrôle plus systématique mais demandera aux agriculteurs une bonne maitrise des applications numériques.
Des aides à l’installation renforcées
Le renouvellement des générations est assuré comme dans la précédente programmation d’une part dans le premier pilier par l’aide complémentaire au revenu pour les JA (au maximum sur les 5 premières années suivant l’installation) et d’autre part dans le second pilier par une dotation à l’installation. Ces deux mesures sont réservées aux agriculteurs qui s’installent, à condition qu’ils respectent des conditions de formation agricole, et qu’ils soient âgés de moins de 40 ans. Or on observe depuis plusieurs années un engouement pour des installations agricoles suite à une reconversion professionnelle avec des porteurs de projet souvent âgés de plus de 40 ans. Le PSN reconnaitra ces exploitants comme « nouveaux agriculteurs » (moins de 55 ans) et des aides à l’investissement leur seront proposées via le second pilier.
Côté budgétaire, l’enveloppe du paiement additionnel aux jeunes agriculteurs du 1er pilier a été augmentée de 50% par rapport à la précédente programmation et représentera donc 1,7% de l’enveloppe des aides directes. Cela peut sembler peu compte tenu de l’importance de l’enjeu, mais le Ministère estime que ce paiement additionnel sera en moyenne de 4400€ par exploitation, ce qui peut représenter plus de 20% des aides directes découplées d’une exploitation moyenne avec un écorégime de niveau 1 dirigée par un jeune agriculteur.
En plus du paiement de base (48% de l’enveloppe des aides directes), du paiement redistributif (maintenu pour les 52 premiers hectares, 10% de l’enveloppe) et du paiement additionnel pour les jeunes agriculteurs (1,7% de l’enveloppe), on retrouve dans les aides du premier pilier des aides couplées (15% de l’enveloppe) et les écorégimes (25% de l’enveloppe entre 2023 et 2027, avec la possibilité de n’y consacrer que 20 % les deux premières années pour amorcer la transition). Revenons plus précisément sur ces deux derniers dispositifs.
Aides couplées : des évolutions fortes sur l’élevage
Même si la plupart des aides couplées restent globalement inchangées, on note deux nouveautés majeures dans la nouvelle programmation :
- Une aide couplée au petit maraîchage qui sera versée sur les hectares en fruits et légumes (sauf hors sol). L’objectif est de favoriser aussi les circuits courts et l’approvisionnement de proximité. Cette aide répond à la demande pressante, portée notamment par la Confédération Paysanne d’aider les maraichers, qui le plus souvent travaillent sur de très petites surfaces et n’ont du coup droit qu’à des aides directes très faibles au regard des services qu’ils rendent pour l’approvisionnement en légumes bio, souvent en circuits courts. Le PSN estime que l’aide pourrait bénéficier à 6 000 producteurs (installés sur au minimum 0,5ha de légumes frais ou petits fruits et au maximum 3ha). Le montant de l’aide sera uniforme par hectare éligible et est estimé en moyenne à 1500€/ha. Il apparaît particulièrement élevé par rapport à d’autres aides couplées mais rappelons qu’il concernera des exploitations dont les surfaces éligibles seront au maximum de 3ha.
- L’aide couplée bovine résulte de la fusion de l’aide couplée aux vaches laitières et de l’aide couplée aux vaches allaitantes. Les montants seront désormais calculés sur les UGB (Unité gros bovin) et non par tête. Les mâles comme les femelles (de plus de 16 mois) seront primés. L’ajout des mâles dans le système de prime vise à favoriser l’engraissement dans les exploitations et ainsi limiter les exportations de broutards vers l’Espagne ou l’Italie. Deux montants sont prévus :
- un premier montant élevé (110€/UGB) pour les mâles de toutes races et pour les femelles de race à viande (maximum de 120 UGB et un chargement maximum de 1,4 UGB par ha de surfaces fourragères)
- un second montant plus bas (60€/UGB) pour les vaches laitières ou mixtes et pour les mâles issus d’élevage type « engraisseurs spécialisés » (maximum de 40 UGB).
Dans cette nouvelle mouture d’aide couplée aux bovins on ne retrouve plus les montants dégressifs en fonction du nombre d’animaux. Des conditions de plafonds et de chargements les remplacent et elles devraient abaisser les montants voire les rendre inaccessibles pour les grands élevages intensifs. Globalement, ces évolutions devraient se traduire par une baisse des aides couplées à l’élevage bovin (qui peuvent aussi se justifier par le souci de ne pas trop subventionner des élevages ayant un impact négatif sur le climat).
Pour en savoir plus sur les aides couplées, retrouvez les fiches du Ministère de l’agriculture pour les aides couplées végétales et animales.
Les trois voies des écorégimes
Rappelons que 25% des aides directes du premier pilier seront désormais réservées aux exploitants qui entrent volontairement dans un dispositif d’écorégime. Les écoregimes sont une manière de réorienter les aides à l’hectare du premier pilier vers les agriculteurs qui font des efforts en faveur de l’environnement, ce qui, mécaniquement, réduit les aides de base pour tous les autres. Tout le succès de ce dispositif repose sur le niveau d’exigence des écorégimes proposés par le PSN. C’est là que le bât blesse. Le Ministère a annoncé qu’il souhaitait des écorégimes « inclusifs et non discriminants », « accessibles à tous », et « simples ». Autrement dit, que tous les systèmes de production, et tous les exploitants puissent avoir la possibilité d’entrer dans un des écorégimes proposés et ainsi maintenir leur enveloppe d’aide. Mais une telle promesse ne peut se tenir sans introduire plusieurs niveaux d’exigence dans les cahiers des charges. C’est ce qu’a prévu le Ministère. L’écorégime français a deux niveaux : un niveau de base, et un niveau supérieur ainsi que trois voies d’accès possibles. Le tableau ci-dessous les résume :
Pour plus de précisions sur les conditions des trois voies (fiche réalisée par le Ministère de l’agriculture et son annexe).
Une nouveauté est l’introduction d’un bonus haies de 7€/ha éligible qui peut venir compléter les voies « pratiques » et « certification environnementale» lorsque l’exploitant agricole démontre, par une certification dont les principes doivent être précisés, qu’il gère durablement ses haies qui doivent couvrir au moins 6% de sa SAU.
Le Ministère français a donc résolument opté pour un écorégime qu’on peut qualifier de « wide and shallow », autrement dit susceptible de permettre à quasiment tous les agriculteurs de rentrer, du moins dans le niveau bas, sans beaucoup d’efforts. L’objectif, selon le Ministère, est « d’atteindre un effet quantitatif significatif en mobilisant un maximum d’agriculteurs » de façon à créer un effet de masse et une dynamique positive d’entrainement. Mais de nombreuses associations de défense de l’environnement s’interrogent sur cette stratégie qui peut de fait favoriser l’immobilisme alors qu’une stratégie « deep and narrow » favorisant des engagements plus ciblés et plus exigeants, au risque de ne pouvoir inclure que les exploitants les plus motivés, aurait pu garantir plus de résultats environnementaux.
Voici un résumé des aides directes du premier pilier, puis un graphique représentant la répartition budgétaire prévue en France pour l’année 2024 (le budget total d’une année étant de 6.7 milliards d’euros).
Les nouveautés du second pilier
En restant sur les ambitions environnementales du PSN français mais du point de vue du second pilier, on note l’introduction de mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) dites forfaitaires, c’est à dire payées par exploitation et non par hectare souscrit. Elles sont deux dans ce cas :
- La MAEC « transition des pratiques » : l’objectif de cette MAEC est de tenir compte du risque de perte de revenus associé à une transition vers d’autres systèmes que l’AB. L’approche choisie est intéressante : à partir d’un diagnostic agroécologique de l’exploitation, il faut atteindre progressivement un objectif fixé et personnalisé d’ici 5 ans. Il s’agit donc d’une MAEC à obligation de résultats. La rémunération sur base forfaitaire sera déterminée à partir des caractéristiques moyennes des exploitations agricoles française (SAU moyenne notamment). Les objectifs (à prioriser par les Régions) sont : la réduction des pesticides d’au moins 30%, l’amélioration du bilan carbone d’au moins 15%, l’amélioration de l’autonomie protéique de l’élevage
- La MAEC « systèmes forfaitaires » : L’aide prend la forme d’une aide forfaitaire versée annuellement. Elle s’appuie sur un engagement contractuel d’une MAEC système (impliquant toutes les surfaces de l’exploitation).
Enfin et pour finir ce tour d’horizon général, les aides à la gestion du risque sont conservées dans le second pilier (assurance récolte, fonds de mutualisation). Depuis 2014, il était possible d’utiliser l’ISR, l’instrument de stabilisation des revenus. Cet outil sera mobilisé dans le cadre de la filière betteraves sucrières pour la prochaine programmation. Son objectif est, dans le cadre de la fin des quotas sucriers et de la volatilité accrue du prix du sucre sur les marchés mondiaux, de limiter les conséquences de pertes de revenu pour les betteraviers (seuil de déclenchement quand une perte de revenu annuel est observée d’au moins 20% par rapport aux trois dernières années).
Retrouvez ici le bilan des choix faits dans le PSN français pour l’application 2023 en comparaison de l’application 2022
Si vous voulez retrouver des informations sur l’application de la PAC 2014-2020 en France, c’est par ici