Le ministre de l’agriculture français S.Travert a organisé mardi 19 décembre une conférence sur l’avenir de la PAC. Étaient invités à cette journée ses homologues européens.
Cette journée s’inscrit dans la révision à venir de la PAC : la Commission européenne a diffusé sa vision sur la future PAC en novembre dernier.
Nous revenons ici sur les points principaux de la conférence.
Table ronde 1 : libérer le développement des entreprises agricoles et agroalimentaires.
Cette table ronde portait principalement sur l’organisation des filières, la contractualisation et le regroupement des agriculteurs. Les crises des dernières années ont démontré une structuration insuffisante de certaines filières. Les Etats généraux de l’agriculture ont souligné l’importance du renforcement des interprofessions, ainsi que la nécessité d’une meilleure répartition de la valeur au sein des filières.
La PAC prend de plus en plus en compte ces questions. Par exemple, l’OCM (Organisation Commune de Marché) soutient via des programmes opérationnels des organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes. Ou encore le règlement Omnibus prévoit que pour l’ensemble des filières, les exploitants soient en droit d’avoir des contrats écrits précisant à l’avance les prix et les volumes avec leurs acheteurs et leurs fournisseurs. Ils pourront aussi négocier collectivement les conditions de vente et gérer leur volume de production. Et un partage de la valeur ajoutée des filières sera désormais possible au sein des interprofessions.
Dans la Communication de la Commission européenne sur la future PAC, l’accent est mis sur les organisations de producteurs qui pour la Commission européenne peuvent être un instrument utile pour permettre aux agriculteurs de renforcer leur position de négociation et de collaborer en vue de réduire les coûts et d’améliorer leur compétitivité. La question du droit à la concurrence est centrale.
Table ronde 2 : valoriser les services environnementaux de l’agriculture et favoriser les transitions climatiques, énergétiques et territoriales
Les résultats de la consultation publique lancée par la Commission européenne début 2017 ont montré que les citoyens européens attendent de la PAC qu’elle accompagne les agriculteurs vers la transition écologique.
Dans le cadre du second pilier, ce sont principalement les mesures soutenant la conversion à l’agriculture biologique et les mesures agro-environnementales et climatiques qui jouent un rôle important dans la valorisation des services environnementaux et la compensation des pratiques bénéfiques pour l’environnement.
La PAC de 2014 a introduit le verdissement dans le premier pilier pour la première fois. Les mesures de verdissement ont cependant des effets limités comme le montre l’évaluation réalisée par la Commission européenne « un an après » et l’analyse très récente réalisée par la Cour des comptes européenne. En plus de ces effets limités, ces mesures complexifient l’application de la PAC aussi bien pour les exploitants que pour les services instructeurs. Dans sa communication, la Commission européenne reconnaît les limites du verdissement. Elle souhaite désormais cibler les soutiens sur les résultats : les Etats-membres devront élaborer un mélange de mesures obligatoires et volontaires dans le premier pilier et le second pilier pour atteindre les objectifs environnementaux et climatiques définis par l’Union.
Table ronde 3 : gérer les aléas et responsabiliser les acteurs
Dans la PAC, la gestion des risques auxquels font face les agriculteurs portent sur leurs conséquences sur l’exploitation agricole plutôt que sur leur limitation. On retrouve comme instruments de gestion des risques de moyenne ampleur les assurances couvrant les pertes de production, les fonds de mutualisation et l’instrument de stabilisation des revenus (ISR). En cas de risques majeurs, des mesures exceptionnelles sont déclenchables et financées par la réserve de crise.
Les outils de gestion des risques du second pilier ont cependant été faiblement utilisés jusqu’à maintenant et la Commission européenne propose dans sa communication de mieux les faire connaître grâce à une plateforme européenne.
En plus de ces points centraux débattus dans la journée Cap sur la PAC 2020, la communication de la Commission européenne sur la future PAC met l’accent sur :
- la redistribution des aides agricoles des gros bénéficiaires vers les plus petits : c’est un sujet récurrent depuis plusieurs réformes de la PAC, néanmoins les ambitions affichées par la Commission européenne sont importantes et pourront peut-être être entendues ;
- la rédaction par les Etats-membres de plans stratégiques : l’objectif principal est la simplification et la cohérence des mesures de la PAC. Le risque associé à ces plans nationaux est la renationalisation ;
- le soutien à l’agriculture de précision et l’importance de l’innovation pour atteindre la double performance économique et environnementale.
Dans tous les cas, la PAC 2020 sera face à un risque de baisse du budget agricole important.
Pour en savoir plus :
– la proposition de la Commission européenne pour la future PAC
– l’analyse d’A.Matthews sur la communication de la Commission européenne : decoding the CAP communication
–Toute l’Europe : quel avenir pour la PAC après 2020 ?