A l’occasion de la Conférence Internationale des Economistes Agricoles, qui se tenait cette année à Milan, l’équipe Capeye a pu visiter l’Expo Universelle « Nourrir la Planète, Energie pour la Vie ». Au-delà des prouesses architecturales et artistiques de certains pavillons, au-delà des démonstrations savamment orchestrées des savoir-faire nationaux en matière d’innovations agro-alimentaires ou de produits, on y découvre surtout la manière dont chaque pays a souhaité communiquer sur sa vision de l’agriculture et de l’alimentation. Le contenu d’un pavillon et sa mise en scène, c’est l’équivalent de la ligne éditoriale d’un journal : il y a le dit et le non-dit, la manière de le mettre en avant, et le public qu’on s’est choisi. De ce point de vue-là, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont exposé des vues radicalement différentes.
La France a opté pour un pavillon ouvert, auquel on accède après avoir cheminé dans un espace végétalisé évoquant la diversité des cultures du pays : carrés de céréales, rangs de vignes, plantes potagères et arbres fruitiers. Une belle réussite car les pavillons qui ont choisi de rappeler aux visiteurs que, pour manger, il faut d’abord labourer, semer et cultiver, ne sont pas si fréquents. A l’intérieur, ce sont les vidéos sur grand écran, montés sur des remorques de tracteurs qui attirent notre attention. Elles adoptent volontiers un ton didactique (proche des animations sur la PAC pour les Nuls de CAPeye) pour expliquer la coexistence de différents systèmes de production agricole (de l’agriculture paysanne à l’agriculture intensive), la concurrence sur les marchés agricoles mondiaux et les enjeux du développement durable à l’échelle locale comme à l’échelle internationale. La France veut nous démontrer qu’elle a un rôle à jouer dans la gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire.
Le Royaume-Uni, à l’opposé, ne nous donne à montrer que l’importance des services écosystémiques. L’approche de son pavillon est aussi rythmée par une balade bucolique, non pas au milieu des champs ou des vergers, mais le long d’une prairie naturelle magnifiquement reconstituée. Le pavillon, quant à lui, est entièrement dédié aux abeilles, au miel qu’elles produisent, à la biodiversité qu’elles représentent. De l’agriculture anglaise, on ne nous dit rien.
Les Allemands ont joué la carte de l’innovation, du participatif et du «Fields of ideas». La visite de leur pavillon, très prisée, est une succession de petites découvertes réjouissantes sur comment faire pousser des légumes en hydroponie en utilisant les déjections des aquacultures de tilapias, constituer un potager collaboratif sur un trottoir, … Tout ceci démontré à travers des innovations technologiques amusantes et didactiques qui tiennent les enfants et les adultes en éveil jusqu’au bout. C’est certainement le pavillon où nous avons passé le plus de temps, et d’où nous sommes sortis les poches pleines de bouts de papier résumant recettes et conseils et la tête pleine d’idées nouvelles. L’Allemagne voulait démontrer son engagement pour le changement, pour le local, pour l’articulation entre urbain et rural. C’est parfaitement réussi. Le visiteur a oublié que l’agriculture allemande, ce sont aussi les élevages intensifs et une implacable concurrence avec ses voisins européens.
Mais l’impression la plus forte que nous retirons de notre visite aux pavillons des Etats-membres de l’Union européenne est tout autre. Devinez combien de fois nous avons pu y voir une référence à la PAC… une seule ! Une simple évocation de sa création sur une chronologie placée en hauteur dans la salle d’attente du pavillon de l’UE. On ne retrouve pas un mot d’explication sur une politique qui dépense 50 milliards d’euros par an, qui occupe 40% du budget européen, et qui est si souvent citée, par les producteurs comme par les politiques, lorsqu’il s’agit de parler des problèmes de l’agriculture. On s’explique mal cette omission, alors que la PAC est largement mise en avant sur la page présentant l’Expo sur le site internet de la Commission européenne. A Milan en revanche, la Commission reste muette sur la PAC. Elle a choisi de construire toute sa communication sur un dessin animé franchement raté, une amourette à l’eau de rose entre une chercheuse de la Commission européenne et un paysan –forcément bio- qui se termine par « ils firent beaucoup de petits pains ensemble » ! Une succession d’images d’Epinal, à peine dignes d’un sous-Disney. Comment inspirer les enfants de l’Europe pour penser les innovations en agriculture et alimentation de demain ? Ils méritent bien mieux