La PAC 2023-2027 dans l’UE
Sommaire
(page mise à jour en janvier 2023)
Le contenu européen de la future PAC
La PAC est organisée en périodes de programmation de 7 années. La programmation 2014-2020 aurait dû prendre fin, mais les négociations ont été retardées, notamment par les élections au Parlement européen et le changement de Commission européenne. Un règlement transitoire a été voté en attendant que la réforme soit effective. En 2021 et 2022, les règles de la PAC sont restées les mêmes que celles de la programmation 2014-2020 mais les bénéficiaires ont été financés à partir du budget européen 2021-2027. A partir de 2023, les règles de la PAC 2023-2027 entrent en vigueur (financées par le budget européen 2021-2027). Pour en savoir plus sur le processus de négociation, vous pouvez vous lire la dernière partie de cette page thématique.
De nouveaux objectifs et le New Delivery Model
La proposition de la Commission européenne pour la PAC post2020 s’organise autour de 9 grands objectifs dont l’atténuation et l’adaptation au changement climatique qui devient une priorité :
Dans la programmation 2023-2027, les Etats-membres ont la responsabilité de construire et mettre en oeuvre un « plan stratégique national » répondant notamment aux grands objectifs ci-dessus et incluant les instruments du premier pilier et également du second pilier de la PAC.
Concrètement, la Commission européenne propose un cadre européen commun (objectifs, indicateurs à atteindre). Les Etats-membres identifient leurs besoins, quantifient leurs objectifs et assurent la mise en oeuvre des interventions ciblées pour les atteindre. Un suivi annuel et pluriannuel est assuré par la Commission européenne pour évaluer la performance de la mise en oeuvre par les Etats-membres via une évaluation des résultats au regard des objectifs annoncés, et non plus des moyens. C’est ce que la Commission européenne appelle le New Delivery Model ou nouveau modèle de mise en oeuvre.
Le transfert d’une grande partie des choix d’application de la PAC aux Etats-membres a l’avantage d’une application adaptée au contexte local, on reprochait bien souvent à la précédente PAC ce manque d’adaptation.
Néanmoins, et même si la Commission européenne prévoit de mettre en place une task force pour les soutenir, le coût d’élaboration des plans stratégiques est important pour les Etats-membres. Désormais, les négociations ont lieu à Bruxelles mais ont été en grande partie transférées au niveau national au moment des rédactions des plans stratégiques nationaux.
Cette proposition de nouvelle modalité de mise en oeuvre à la fois des aides directes du premier pilier et de la politique de développement rural soulève de nombreuses questions : le New Delivery Model constitue-t-il un premier pas vers la renationalisation de la PAC ? Peut-il être source de distorsions de concurrence entre les agriculteurs européens ?
L’abandon du verdissement
Le paiement vert mis en place sur la période 2014-2020 sera abandonné dans la programmation 2023-2027 (vous pouvez notamment lire notre actualité sur le rapport de la Cour des comptes qui revient sur l’inefficacité du verdissement).
La Commission européenne propose de le remplacer par une conditionnalité plus ambitieuse qui intègre les exigences des mesures vertes, et de l’assortir d’un « eco-scheme » ou écorégime. Ce programme qui se trouve dans le 1er pilier, est obligatoire à mettre en oeuvre pour les Etats-membres : ils choisissent alors les mesures les plus pertinentes d’après leurs conditions locales et les objectifs de leur plan stratégique. Les agriculteurs ont la liberté de s’engager ou non dans ces programmes.
La Commission européenne a proposé en janvier 2021 une liste de pratiques qui pourraient faire parties de l’écorégime des Etats-membres (voir la liste).
Suite aux négociations européennes, les écorégimes doivent représenter en moyenne 25% par an des paiements directs du premier pilier de la période de programmation 2023-2027. Les Etats-membres ont la possibilité de n’y consacrer que 20% en 2023 et 2024 mais en compensant les années suivantes par le renforcement du budget des écorégimes ou de celui d’autres mesures environnementales.
Dans un dossier spécial, la Commission européenne présente des exemples d’imbrications possibles des outils de la PAC en faveur de l’environnement. Le dossier est disponible ici. L’illustration ci-dessous est un extrait centré sur la question du lessivage des nutriments :
Les modalités de redistribution des aides
La Commission européenne avait proposé une dégressivité des aides directes à partir de 60 000€ d’aides touchées par exploitation. Dans cette proposition, il était prévu que dans le calcul de la dégressivité, les coûts salariaux et les coûts estimés (à partir des références salariales nationales) du travail familial soient déduits du montant des aides touchées.
Cette proposition marquante n’a pas résisté à la négociation avec le Parlement européen et surtout le Conseil des ministres : « la réduction et le plafonnement des paiements directs pour les exploitations qui reçoivent des montants élevés seront facultatifs pour les pays de l’UE. La Commission européenne encourage tous les pays à inclure la réduction et le plafonnement des aides dans leurs plans stratégiques, compte tenu des économies d’échelle des grandes exploitations. » (extrait du règlement final).
Le paiement redistributif, nouveauté portée par la France en 2014, devient obligatoire pour tous les Etats-membres dans la programmation 2023-2027 (exception possible si mise en place de la dégressivité des aides). Ces derniers doivent y consacrer au moins 10% de l’enveloppe des paiements directs.
Enfin, les convergence des aides directes débutées en 2014 continuent :
– convergence interne : d’ici 2026, tous les paiements doivent avoir atteints au moins 85% de la moyenne nationale (existence d’une clause qui limite les pertes individuelles)
– convergence externe : en 2027, le minimum des paiements directs moyens d’un Etat-membre doit être de 215€/ha. Les Etats-membres situés en-dessous de 90% de la moyenne européenne voient une augmentation de leur budget pour atteindre 90% de la moyenne des paiements directs européens.
Les autres nouveautés
La conditionnalité sociale est une nouveauté de la programmation, elle concerne la transparence sur les conditions d’emplois et la sécurité des employés par les employeurs. Le droit à l’erreur a également été largement discuté et porté par la France.
Vous pouvez retrouver ici les règlements adoptés : règlement horizontal, règlement des plans stratégiques, règlement OCM.
La PAC 2023-2027 s’inscrit dans le Pacte Vert pour l’Europe (le Green Deal) porté par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et décrit dans la communication de la Commission du 11 décembre 2019. Il s’agit de transformer l’économie de l’Europe pour répondre aux défis du développement durable et de mettre en place une feuille de route, financée par des investissements (de source européenne, nationale et privée) à hauteur de 1000 milliards d’euros sur 10 ans, pour lutter contre le changement climatique, promouvoir une économie propre et circulaire, et enrayer les pertes de biodiversité. Placer l’Europe « à la pointe de la transition écologique » signifie aussi de s’assurer que le secteur agricole et agro-alimentaire y contribue pleinement.
Du Pacte Vert a découlé la stratégie « de la ferme à la fourchette » (Farm to fork strategy). Pour en savoir plus, vous pouvez lire l’actualité CAPeye « De la ferme à la fourchette : la stratégie de la Commission européenne »
Pour en savoir plus sur le processus de la négociation européen qui a eu lieu entre 2018 et 2021
La proposition des trois nouveaux règlements de la PAC par la Commission européenne a été publiée en juin 2018. Même si la Commission européenne a fait une proposition de paquet législatif pour la PAC post2020, celle-ci ne sera pas réformée à temps pour prendre le relais de la PAC 2014-2020. La Commission européenne, pour assurer la continuité des aides en 2021 et 2022 a donc proposé un règlement transitoire. L’objectif d’un tel règlement est de conserver les mesures actuelles avec le budget de la programmation 2021-2027.
Quelles ont été les sources de tension sur les négociations budgétaires ? la Commission européenne avait proposé de fixer un budget européen à 1,11% du revenu national brut des 27 Etats membres, soit une augmentation de 5% par rapport à la période précédente (en excluant la contribution du Royaume Uni). Cette hausse devait permettre de financer aussi les nouvelles priorités de l’UE, notamment la lutte contre le changement climatique, la gestion des migrations et la défense. Le Parlement européen a défendu les politiques traditionnelles, notamment la PAC et donc proposé une augmentation des contributions des Etats membres encore plus importante. Mais les 27 sont sur des positions très opposées, avec :
- d’un côté les Etats dits « frugaux » qui proposent une réduction des budgets européens et notamment des dépenses de la PAC (Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas, Suède)
- et, en face, les Etats membres qui défendent une ambition forte pour la PAC et la politique de cohésion (notamment France, Italie, Espagne et un certain nombre de pays d’Europe de l’Est).
L’accord à l’unanimité doit concilier les visions des uns et des autres en proposant un compromis entre le montant de la contribution de Etats membres, la possibilité de créer de nouvelles ressources propres, les priorités sur les politiques à financer, et le degré de flexibilité du cadre financier (par exemple pour répondre à des situations de crise ou à des enjeux imprévus).
Le budget européen 2021-2027 a été adopté fin mai 2021 et est de 1 074,3 milliards d’euros.
Pour en savoir plus : touteleurope et l’article en anglais très détaillé d’Alan Matthews
Les principaux points de la proposition de la Commission européenne
Cette proposition est issue d’une part d’une consultation publique et d’autre part, d’une évaluation d’impacts réalisée par la Commission européenne dont un résumé est accessible ici.
Résumé du paquet législatif proposé par la Commission européenne :
Pour en savoir plus sur la proposition de la Commission européenne, vous pouvez vous rendre sur le site présentant la réforme à venir de la PAC.
Accéder aux rapports commandités par la commission agriculture du Parlement européen d’après la proposition de la Commission européenne et portant sur :
- Les plans stratégiques de la PAC post2020 (E.Erjavec, M. Lovec, L. Juvancic, T. Sumrada, I. Rac – Ljubljana University)
- Evaluation de la structure future des paiements directs et de la politique de développement rural (I.R.A Jongeneel – Wagenigen UR)
- Approche sectorielle de la PAC post2020 (T. Azcarate – Spanish research council)
Les positions votées au Parlement européen et au Conseil en début de trilogue (novembre 2020)
La PAC a été le sujet chaud de l’Europe lors de la troisième semaine d’octobre 2020. Le Conseil a voté sur les 3 textes réglementaires (Plans stratégiques nationaux, Organisation Commune de Marchés, et Règlement horizontal) de la future PAC le 21 octobre, après de longs débats. Le Parlement européen réuni en plénière, a quant à lui, voté sur une version un peu différente de ces projets de règlements le 24 octobre. Les tableaux ci-dessous présentent les positions des trois institutions à la veille des trilogues.
Lancés le 10 novembre, les réunions des trilogues avaient pour objectif de trouver un terrain d’entente pour faire converger les différentes versions des textes votés vers 3 règlements définitifs, et ainsi pouvoir mettre en application la nouvelle PAC au 1er janvier 2023.